Le secret du bonheur
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Le secret du bonheur
 (inspiré de Mario Poirier, Ph.D.)

Comme coach, comme ami, comme parents, nous voulons aider, accompagner, appuyer, soutenir, bref, rendre heureux. Le bonheur est le bien ultime. Le bonheur individuel et en groupe, voilà l’objectif des masses, l’idéologie maîtresse. Tout ce qui prédit, offre, facilite, développe, soutient le bonheur fait fureur. Les suggestions, les conseils, les trucs, les recettes, les traitements foisonnent : soyez comblés en amour, prospères en affaire, heureux dans la vie, en harmonie avec vous-même. Nous croulons sous l’avalanche d’articles, d’émissions, de livres, de cours, d’ateliers, de sessions, de séances pour aider l’homme et sa fiancée à vivre mieux, à vivre heureux.

Et si nous faisions fausse route ? Si un petit détail nous échappait dans cette recherche perpétuelle de bonheur ? Un petit détail que nous pressentons peut-être, si nous sommes prêts, mais qui nous échappe encore, trop occupés que nous sommes à courir à nos travaux, à nos devoirs, à nos plaisirs. Trop occupés à chercher le bonheur pour nous et pour les autres, le secret du poète Charles Péguy nous échappe-t-il ? « Il a quarante ans, il sait donc. Il sait le grand secret de toute créature, le secret le plus universellement connu et qui pourtant n’a jamais filtré, le secret d’État entre tous, le secret le plus universellement confié, de proche en proche, de l’un à l’autre, à voix basse, au long des confidences et des confessions, au hasard des routes et pourtant le secret le plus hermétiquement secret. »

De quel secret s’agit-il ? Est-ce celui qu’illustre cette belle légende de Siddhartha (Le petit Bouddha) ? C’est un conte merveilleux, l’histoire d’une enfance dorée, d’un désenchantement nécessaire, d’un départ vers l’inconnu, d’une quête de sens, d’une paix intérieure. L’histoire d’un enfant dont le père, puissant roi, voulait qu’il soit heureux, parfaitement heureux et qui le gardait protégé de toute souffrance, de tout exemple même de vieillissement, de la maladie ou de la mort.

Or, ce qui devait arriver arriva : l’enfant se rendit compte qu’on lui cachait quelque chose. Quelque chose de considérable : les vieux, les malades, les infirmes, les pauvres, les déshérités, les solitaires, les fous, les errants. Le choc fut dramatique. Siddhartha, profondément ému, quitta son foyer et entreprit un pèlerinage pour voir si on connaissait de par le monde une cure à la souffrance humaine.

Dans son récit, Hermann Hesse ne lui ménage aucune épreuve, aucune expérience, pas même celle d’être, à son tour, père. Mais son fils, bel enfant gâté et narcissique, se désintéresse de son vieil ascète de père. Il veut partir pour la ville, pour l’inconnu. Siddhartha, malgré toute sa sagesse, cherche à le retenir et se plaint à son camarade : « Comment puis-je l’abandonner ainsi dans ce monde, lui dont le cœur n’a, tu le sais, rien de tendre ? Ne cédera-t-il pas à ses mauvais penchants, ne succombera-t-il pas à l’attrait des plaisirs et de la puissance, ne tombera-t-il pas dans les errements de son père ? »

Son compagnon de lui répondre doucement : « Crois-tu donc, mon ami, que cette voie puisse être évitée à qui que ce soit ? À ton fils peut-être, parce que tu l’aimes et que tu voudrais bien lui épargner des peines, des souffrances et des désillusions ? Mais, si tu mourrais même dix fois pour lui, tu ne réussirais pas à détourner de lui une parcelle de son destin. »

Quel est donc ce secret que Siddhartha, être d’exception, découvrit bien avant quarante ans, mais dut malgré tout redécouvrir comme père ? Poursuivons avec Péguy. « Le vase de secret le plus hermétiquement clos. Le secret qu’on a jamais écrit. Le secret le plus universellement divulgué, mais qui n’est jamais descendu aux hommes d’en dessous de quarante ans. Il sait ; et il sait qu’il sait. Il sait que l’on n’est pas heureux. Il sait que depuis qu’il y a l’homme, nul homme jamais n’a été heureux. »

Péguy, avec une touche d’humour et de mélancolie, nous rappelle une vérité simple et incontournable : personne n’a jamais été heureux. Personne. Jamais. Rien à faire : la condition humaine s’y objecte. Elle nous réserve, d’un jour à l’autre, un lot de départs, de deuils, de souffrance, de maladies, de doutes, de craintes, de peines et en bout de course, la mort. L’enfance de l’enfant le plus équilibré est peuplée de cauchemars douloureux, l’adolescence de l’adolescent le plus sain fourmille de doutes angoissants, l’âge adulte abonde en rêves tronqués. Le temps passe ; personne ne sera jamais heureux. Certes, nous avons mille joies, mille plaisirs, des années et des années peut-être de force, de santé, de chance. C’est l’essentiel, bien sûr, et c’est suffisant pour vivre. Mais le temps passe, inexorablement. La déchéance est là, plus près qu’on ne le croit. Et d’ici là, tout peut arriver. Bang ! Vous êtes blessé, malade, infirme, mort. Requiem.

Nous sommes de passage. Un court voyage. C’est un secret que nous révèle la vie. Le grand secret attend patiemment au fond de notre cœur, imperturbable : nul n’a jamais été heureux. Sans en avoir clairement conscience, nous l’avions peut-être pressenti, car c’est un air ancien, une ritournelle familière, mais oubliée depuis longtemps. Peut-être, en effet, avions-nous déjà percé ce secret dans la petite enfance quand nous avons réalisé que tout ce qui semblait être à nous ne l’était déjà plus. Mais nous l’avons oublié. C’est pourtant un secret lourd de conséquences. Il crée un profond remous, une béance où s’engouffrent un peu de réel, un peu de désenchantement, mais aussi un nouveau regard sur soi et sur le monde, un regard plus frais, plus vrai.

Devant les souffrances de la condition humaine, « il faut que le cœur se brise ou se bronze », s’exclame Chamford (1740-1794). Mais peut-être n’a-t-il ni à se briser ni à se durcir ; peut-être peut-il plier, comme le roseau. C’est qu’il y a un autre versant à son secret. « Or voyez l’inconséquence. Le même homme. Cet homme a naturellement un fils de quatorze ans. Or il n’a qu’une pensée. C’est que son fils soit heureux. Il ne se dit pas que ce serait la première fois que ça se verrait. Il ne se dit rien du tout, ce qui est la marque de la pensée la plus profonde. Il a une pensée de bête. Ce sont les meilleures. Ce sont les seules. Il n’a qu’une pensée. Et c’est une pensée de bête. Il veut que son fils soit heureux. Ce qui n’a jamais été réussi, ce qui n’est jamais arrivé. Il est convaincu que ça va arriver cette fois-ci. Et non seulement cela, mais que ça va arriver comme naturellement. Par l’effet d’une sorte de loi naturelle. Rien n’est aussi touchant que cette perpétuelle, que cette éternelle, que cette éternellement renaissante inconséquence. Et c’est ici la commune merveille de votre jeune Espérance. »

Le secret de l’homme n’empêche donc nullement cette merveilleuse pensée de bête : s’engager dans l’arène de la vie, être là, vif et disponible, prêt à combattre pour ceux qu’on aime, pour ce qui est juste, pour ce qui mérite d’être protégé. Nous sommes fragiles, souffrants, éphémères, mortels. Tous, nous sommes logés à la même enseigne : vagues molécules pensantes maculant la superficie d’une petite planète suspendue dans l’infini incommensurable, le froid sidéral, la nuit frémissante.

Si au lieu de l’éloge de la force, des surhommes, des armes, des pouvoirs, des richesses, des performances, des victoires, des vainqueurs, des violences, bref de tout ce qui fait vivre les gazettes et les doctrinaires, nous faisions l’éloge de notre faiblesse ? Sans renier cette merveilleuse pensée de bête qui nous habite, cette jeune espérance. Être vraiment adulte, être coach, être parent, être aidant : disponible et tolérant, conscient de la condition humaine, riche d’empathie et de compassion, un tantinet plus calme…


Marcel Gemme , MCC, MSS

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